mardi 5 février 2008

Alstom mise sur l'automotrice à grande vitesse pour remplacer le TGV

L'automotrice à grande vitesse (AGV) qui a été présentée par Alstom au président de la République, mardi 5 février, marquera une nouvelle date dans l'histoire de la très grande vitesse sur rail.

Cette quatrième génération de TGV (marque déposée par la SNCF) est nouvelle à plus d'un titre. Sur un plan technique, exit les motrices de tête et de queue du train. Dorénavant, la motorisation sera répartie sur toutes les voitures. Ce qui va permettre aux opérateurs d'accroître significativement le nombre de places à bord du train. En outre, cette nouvelle architecture autorisera une plus grande modulation sur la longueur des rames. Elles pourront ainsi être constituées de 7 à 14 voitures, ce qui représente une capacité de 250 à 650 places en fonction de la configuration retenue. Cette nouvelle rame pourra atteindre la vitesse de 360 km/h contre 320 km/h pour le TGV-Est.

Alstom a innové aussi avec le développement et le lancement de ce programme AGV, en concevant seule ce nouveau train. Sans le concours de la SNCF dont les équipes avaient étroitement participé à la naissance du TGV. "Conçu par l'entreprise seule et sur ses fonds propres", insiste Philippe Mellier, président d'Alstom Transport. "Avant, la démarche était la suivante : on répondait à un appel d'offres et on développait le train demandé par le client, explique M. Mellier. En conséquence, entre la date de l'appel d'offres et la disponibilité du train, il pouvait s'écouler cinq ou six ans...".

En 2004, alors qu'Alstom est en crise, l'entreprise comprend que le marché de la grande vitesse ferroviaire va se diversifier. Faut-il attendre les appels d'offres ou, précisément, élargir et moderniser l'offre ? Une question à trancher, d'autant plus importante que, à cette époque, l'idée la plus communément répandue est que le TGV ne se vend qu'en France et que, la Corée mise à part, le train à grande vitesse n'a aucun avenir à l'exportation...

"Alstom décide alors de faire une étude de marché, explique Philippe Mellier. Il y a un marché qui va naturellement venir à Alstom, et ce pour deux raisons." D'abord parce que les premières générations de trains à très grande vitesse, qui ont été vendues en France comme à l'étranger, vont commencer à vieillir ; mais aussi parce que la demande de la part des voyageurs va augmenter. Alstom en est convaincu : pour ces deux raisons, augmentation du parc et remplacement du parc existant, il va y avoir rapidement un marché et pour longtemps.

"Nous avons fait la synthèse de ce que nous pensions être le marché. Nous avions à l'époque en fabrication les rames duplex pour la SNCF, mais nous étions convaincus qu'il allait y avoir aussi de la demande pour des trains à grande vitesse à un seul niveau. Il fallait que cette offre soit disponible dès que le client aurait besoin de ce type de train", se souvient M. Mellier. Et il ajoute qu'un client qui "veut acheter un train n'attend plus cinq ou six ans. Nous avons donc développé ce train sur fonds propres, pour être prêts au moment ou le marché serait là".

Aujourd'hui Alstom se félicite de ce choix industriel. Sans que l'AGV ait été dévoilé, Alstom a répondu à l'appel d'offres de l'opérateur italien NTV et a été choisi. "Nous avons gagné à la régulière devant tous les acteurs du secteur : le canadien Bombardier, l'allemand Siemens et AnsaldoBreda, filiale de l'italien Finnmecanica, se réjouit M. Mellier. Ce contrat valide notre stratégie et permet à Alstom d'avoir une compagnie de lancement."

Ce premier contrat est important, puisqu'il porte sur 25 rames fermes (et 10 en option) et est associé à un contrat de maintenance pour un montant de 1,5 milliard d'euros. La fabrication des premiers trains de série devrait commencer dans les mois qui viennnent et la livraison devrait débuter en 2010, NTV prévoyant une mise en service à partir de 2011.

Et le carnet de commandes devrait encore s'étoffer. D'autant que depuis que la décision de construire l'AGV a été prise, Alstom a continué à vendre des TGV de dernière génération : le constructeur a emporté un appel d'offres en Argentine, et un au Maroc pour la fourniture d'une vingtaine de rames duplex. La SNCF a pour sa part commandé ferme 80 rames duplex et 40 en option. Ce qui fait en tout 140 trains. Un autre appel d'offres est en cours, en Arabie saoudite, pour une liaison à grande vitesse entre les lieux saints (La Mecque-Médine via Jeddah).

Mais l'un des prochains appels d'offres devrait être celui de la SNCF, dont le parc TGV compte aujourd'hui environ 500 trains. Sur ce nombre, au moins 300 trains seraient à changer dans les dix à quinze ans qui viennent ; et le parc devrait être augmenté. Ce contrat, si Alstom le remportait, pourrait être qualifié de "contrat du siècle", le montant en jeu étant de l'ordre de 8 milliard d'euros. Alstom est confiant, persuadé que son expérience jouera, car, comme le dit M. Mellier, "on ne s'improvise pas constructeur de grande vitesse".
Source : lemonde.fr

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